La répartition des charges et réparations dans un bail commercial est une question cruciale aux enjeux financiers importants. En principe, les parties sont libres de répartir ces charges contractuellement. Toutefois, cette liberté est encadrée par la loi, notamment depuis la loi Pinel du 18 juin 2014, qui a renforcé la protection du preneur. S’y ajoute une jurisprudence abondante qui affine la portée de l’article 606 du Code civil. Décryptage complet.
Le cadre légal de la répartition des réparations
Principes généraux issus du Code civil
- Article 1719 du Code civil : le bailleur est tenu d’entretenir le bien en état de servir à l’usage pour lequel il a été loué.
- Article 1720 : le bailleur doit délivrer un bien en bon état de réparations (hors réparations locatives).
- Article 1754 : le preneur prend en charge les réparations dites « locatives » ou d’entretien courant, sauf en cas de vétusté ou de force majeure (art. 1755).
- Article 606 : les « grosses réparations » sont à la charge du bailleur, sauf clause contraire. Elles concernent les gros murs, les voûtes, les poutres, les couvertures entières, les digues et murs de soutènement/clôture.
Ces règles ne sont pas d’ordre public. Elles peuvent donc être aménagées par les parties dans le contrat de bail, sauf limites posées par la loi Pinel.
Loi Pinel (2014) : vers un encadrement renforcé des charges transférables
Depuis le 5 novembre 2014, la loi Pinel et le décret n°2014-1317 imposent des limites aux clauses contractuelles de répartition des charges.
Ce que le bailleur ne peut plus imposer au preneur :
- Les grosses réparations visées à l’article 606 du Code civil.
- Les travaux de mise en conformité ou de vétusté lorsqu’il s’agit de grosses réparations.
- Les honoraires liés à ces travaux (ex. : maîtrise d’œuvre, bureau de contrôle).
Ces règles sont d’ordre public. Toute clause mettant ces frais à la charge du preneur est réputée non écrite.
Les réparations courantes liées à la vétusté restent imputables au preneur, à condition qu’une clause expresse du bail le prévoie.
Importance de la rédaction contractuelle
Même si les parties peuvent convenir d’une répartition adaptée, la loi exige que certaines clauses soient claires et expressément stipulées.
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Exemples :
- Une clause vague mettant à la charge du preneur « tous les travaux, y compris ceux relevant de l’article 606 » peut être écartée par le juge si elle n’est pas suffisamment précise.
- Une clause listant précisément les charges transférées (ex. : l’entretien des gouttières, la maintenance de la VMC…) est préférable et sécurise les parties.
Jurisprudence : des décisions clés pour comprendre l’article 606
Avant 2005 : une lecture stricte
- Cass. civ. 3e, 25 oct. 1983, n°82-11.261 : la liste de l’article 606 était considérée comme limitative.
- Conséquence : un bailleur ne pouvait imputer au preneur, par exemple, le remplacement d’une chaudière ou d’un système de climatisation.
Depuis 2005 : une approche plus souple et fonctionnelle
- Cass. civ. 3e, 13 juillet 2005, n°04-13.764 :Les grosses réparations sont celles « intéressant l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale ». Les réparations d’entretien sont celles « utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble ».
Cela permet d’inclure dans les grosses réparations certains travaux non listés strictement dans l’article 606, à condition qu’ils touchent à la structure du bâtiment.
Exemples jurisprudentiels
Grosses réparations (bailleur) | Réparations courantes (preneur) |
---|---|
Réfection totale de toiture | Remplacement ponctuel de tuiles |
Réfection de murs humides | Peinture, moquette |
Mise aux normes du réseau électrique (structurelle) | Entretien des luminaires |
Remplacement d’un système de chauffage vétuste | Entretien annuel chaudière |
Pose de vitrines ou de rideaux métalliques vétustes (structure) | Réparation d’un volet endommagé |
Focus : les clauses interdites ou réputées non écrites
La loi Pinel rend certaines clauses illégales, même si elles ont été signées :
- Transfert de toutes les réparations au preneur sans distinction.
- Imputation des frais d’expertise ou d’architecte pour les travaux de gros œuvre au preneur.
- Clause imprécise transférant l’« ensemble des réparations de quelque nature qu’elles soient », sans les nommer.
Cass. civ. 3e, 07 janv. 2009, n°07-19112 : une clause générale mentionnant l’article 606 ne suffit pas à exonérer le bailleur de ses obligations si les travaux concernent une réfection complète (ex. toiture avec amiante).
Obligations d’information du bailleur
Depuis la loi Pinel, l’article L.145-40-2 du Code de commerce impose un inventaire des charges et travaux, à fournir tous les 3 ans :
- État prévisionnel des travaux à venir sur 3 ans
- Bilan des travaux réalisés et de leur coût
Objectif : transparence et prévisibilité pour le preneur.
FAQ
Qui paie les travaux de ravalement ?
Le bailleur, sauf si une clause expresse et précise les met à la charge du preneur (Cass. civ. 3e, 6 mars 2013, n°11-27.331).
Le remplacement d’une vitrine ou d’une porte vétuste ?
Si l’état est lié à la vétusté ou touche à la sécurité du local (structure, solidité), cela relève du bailleur.
Qui doit financer la mise aux normes de l’installation électrique ?
Si les travaux sont structurels, ils relèvent du bailleur. Si ce sont des éléments mineurs ou liés à l’activité du preneur, ils peuvent lui être imputés, s’il existe une clause claire.
À retenir
- La répartition des réparations dans un bail commercial n’est pas totalement libre.
- Les grosses réparations relèvent toujours du bailleur depuis la loi Pinel.
- Une clause imprécise peut être jugée non écrite par les tribunaux.
- Le bailleur doit désormais fournir un état prévisionnel des travaux tous les 3 ans.
- La jurisprudence évolue et privilégie une lecture fonctionnelle (structure vs entretien).